// Dirinya // Vous pensez être seul, et puis finalement, bein nan.

Moment de la journée...hum, disons, fin d'après-midi. Il fait plutôt froid, mais le soleil réchauffe encore mon dos. L'air est humide, normal, il à plu hier. Le sol est souple, recouvert de mousse et d'aiguilles de sapins. C'est plutôt agréable de marcher là-dessus. Ça change des cailloux pointu de mon ancien chez moi. Je me demande bien ce que je fais là, à marcher vers une destination inconnue, mes oreilles se dressant au moindre bruit, avançant avec prudence. Car oui, je ne sais pas pourquoi je suis partie, et je ne sais pas où je vais. Des bruits, il y en à plein ici. Les oiseaux qui chantent, les branches qui craquent, le vent qui souffle. Rien de bien alarmant, et c'est pas plus mal.
Ça fait plusieurs semaines que je n'ai croisé personne, peut-être que je leur fait peur, mais franchement ça m'étonnerait. Les quelques chevaux qui vivaint près des volcans n'arretaient pas de se moquer de moi. Je me demande bien ce qu'il y a de si drôle à être aveugle. Si au moins ils me voyaient maintenant que j'arrive à me débrouiller seule, que mon ouie et mon odorat se sont développés, que j'arrive à interpreter les vibrations du sol.
J'arrive dans une clairière, apparement déserte, et je décide de m'y reposer un peu.

Ce matin était en lui seul une allégorie du printemps.
Feuilles vertes, petits oiseaux qui chantent, et tout le bataclan. Aucun intérêt, vraiment.
Et Seigneur l'hiver est partie, laissant sa noble place à cet avorton.
L'Hiver me manque. Le vent froid qui chante dans les branches, la neige qui tombe du ciel, comme un avant-goût du paradis, le monde blanc et silencieux. Les fleurs couvertes de givre.
Les cascades gelées semblables à des escaliers vers le ciel, le ciel où j'aspire tant à monter...
Je suis sûre que tout est si merveilleux, là-haut.
Je me suis imaginée ce monde tant et tant de fois qu'il apparait derrière mes paupières closes, familier.
Jamais je ne m'y perdrais. Là-bas, je suis chez moi. Là-bas, non seulement on m'accepte, mais on me respecte.
Là bas, j'ai ma place. Là-bas, c'est chez moi...
Sous mes sabots, l'herbe fade et terne a disparu, remplacée par une infinité de nuages. Certains sont immaculés, d'autres se teintent de nuances oranges, rosées, vertes, bleues, ou même toutes celles-là à la fois.
Je m'y enfonce un peu, juste assez pour que cela soit agréable, pas trop pour ne pas freiner les mouvements. Je retire mes sabots de la surface cotonneuse avec un son doux à chaque foulée.
Je fais quelques pas, enfin en paix avec le monde et moi-même. J'aime tant cet endroit...
J'entend un bruit sur ma droite. Je tourne une oreille avec indolence...
Je ne veux pas. Je ne veux pas rentrer. Non ! Je veux rester là pour l'éternité. Et qu'ils aillent se faire f*utre.
Je m'éloigne vers ma gauche, fuyant la réalité désespérément.

En train de macher un brin d'herbe, j'entend des bruits de respirations. Je ne suis pas seule dans cette clairière. Je le pensais pourtant, il faut croire que je n'ais pas fait suffisement attention. Quand on est aveugle, toujours s'assurer d'être en bonne compagnie. Je me lève donc, et je m'avance vers ces bruits. A l'odeur, c'est un cheval. J'essaye de localiser la tête, ce serait un peu bête de m'addresser à sa croupe, puis je lui lance;
-Qui est tu ? Qu'est ce que tu fais là ? Pourquoi tu n'as rien dit quand je suis arrivée ?

Une voix brise l'apaisant silence. Je regarde autour de moi; non, personne dans mon paradis personnel. Evidemment. Cette voix est une intrue. Elle n'a rien à faire là !
Je décide de l'ignorer. Elle se lassera. Je prend avec colère cette pseudo-tentative d'intrusion dans mon petit univers personnel.
Je tourne d'un air hostile genre " mais foutez moi la paix, je demande que ça!" la croupe vers la voix.
J'essaye de faire abstraction de la présence...
Cela fait longtemps que je n'ai pas vu qui que ce soit tenter d'envahir mon petit coin de paradis. Je suis soudain très en colère envers cette voix qui se croit tout permis quand j'esperais enfin avoir la paix, plus de compte à rendre à qui que ce soit.
Je ferme les yeux très fort.

Pas de réponse. Ça m'ennerve, je sais bien qu'il y a quelqu'un. D'ailleurs ce quelqu'un bouge, je l'entend. Pourquoi est-ce qu'il ne répond pas ?! Peut-être qu'il veut m'attaquer, bein il a pas intéret.
-Dit donc, ça te ferais mal de me répondre ? Je t'ai posé une... des questions et j'aime pas quand on me répond pas.
J'angoisse rien qu'à l'idée qu'un cheval ne me parle pas, je ne peut pas savoir de qui il s'agit, ni ses intentions.

Le monde que j'aurais tant aimé être vrai, où je m'étais réfugiée tant de fois jusqu'à croire parfois à son existence s'effaça lentement e mes rétines, me laissant un goût amer de regrets dans la bouche, et une sensation de pesanteur insoutenable. J'étais à nouveau obligée de regagner la réalité, un moule qui n'est pas fait pour moi...
Tout était trop fade, trop terne. Rien n'eut de sens quand je soulevais mes paupières longtemps tenues closes.
La lumière du soleil, hostile, m'éblouit. Ma tête se mit à tourner, et j'eu un vertige qui me fit trébucher sur une racine tendue au milieu de chemin, évidemment.
Cette Terre ne voulait pas plus de moi que je ne voulais d'elle.
L'inconnue, s'adressant à un tronc d'arbre, se lancea dans une diatribe désagréable.
Je lui répondis, d'un hennissement qui se voulait plus grognement qu'autre chose, et enroué par les longs mois de silence :

-Qui êtes vous ? Que venez vous faire là ?

Mon ton était tellement menaçant qu'il en était presque incompréhensible. Ma gorge était sèche d'avoir oublié de boire pendant trop longtemps, et je ne pus réprimer un frisson de douleur quand le cri fit vibrer mes cordes vocales desséchées.
Je devais vraiment faire peur; les côtes apparentes, le poil négligé, sûrement couvert de piqures d'insectes et trempé par la dernière pluie. Peu n'importait.

Quelques instants après, j'entend l'animal me répondre, d'une voix rauque et sèche.
-Qui êtes vous ? Que venez vous faire là ?
Derrière un ton menacant, je reconnai la voix d'une jument. Mais...que fait elle là, seule, à grogner sur le premier venu ? Remarque, j'aurais fait la même chose si un imbécile m'avait dérangé, mais de la part de quelqu'un d'autre que moi, ça me surpprend. Je me demande bien à quoi elle ressemble.
-Répondre par une question, ça nous apprend plein de choses, n'est-ce pas ? En bref je m'appelle Karthala, je suis parti de chez moi il y a un an déjà, sans me préocuper de ma destination, je vais dans le sens du vent.
Ma voix a quelque chose de triste, profondément triste. Je reprend, plus sèchement:
-J'espère que vous aller me répondre maintenant, ma chère, j'ai tout mon temps !

Ces quelques mots me clouent sur place. Ce n'est plus une voix rauque et dure qui à parlé, mais une voix pleine de souffrance, de tristesse, une voix que je ne peux pas ignorer.
Un souvenir m'est revenu en tête. Celui de ma mère agonisante, couchée sur le flanc contre la roche brûlée par le soleil. Elle me dit de m'enfuir. Elle me dit qu'ils me trouveront si je ne me dépèche pas. Qui sont-ils ? Je ne me rappelle plus. Elle me dit de chercher quelqu'un d'autre pour être mes yeux, tout en suivant le vent, car là où il s'engouffre, nul obstacle ne pourra me faire trébucher. Trop gentil.
Je me rappelle l'odeur de son sang, l'odeur de sa peur. Je crois me souvenir qu'elle était douce et attentionée avec moi.
Je fait un bond de côté pour m'éloigner de la jument. Car elle me fait peur. Je ne sais pas à quoi elle ressemble, je ne sais rien de sa vie, je ne sais rien de ses habitudes envers les autres chevaux. Et cette voix, je crois que j'ai peur de l'entendre.

-Et bien...je suis désolée, sincérement désolée de t'avoir dérangé. Je....je suis aveugle et je ne me fit qu'à mon ouïe....ce qui fait que j'insiste pour entendre la voix de ceux qui sont en face de moi. Je....vais m'en aller...

Je pourrais peut-être être gentille et la laisser tranquille, mais la curiosité étant la plus forte, je ne fait que quelques pas et je m'arrête. Elle vas bien finir par dire autre chose. Cette voix que je redoute tant n'est pas si dure, cela dépend de la personne, du contexte, et puis de mon humeur à moi. Tout ces petits paramètres alambiqués controlant chacunes de nos actions, dirigeants nos pensées. Ce sont peut-être eux, ces fameux "ils".

Elle fait un bond de côté, comme si ma supplication l'avait effrayé. Pourtant, je dois paraître bien plus misérable que menaçante, non ?
Puis elle me répond d'une voix bafouillante.
Eh bien, dites moi, c'est le rendez-vous des gens que la vie aime, ici ! Entre une infirme et une... une folle, ouais, on est pas sortis du pré.
Au moins, elle est désolée. Quoi que. Cette jument est aveugle. Il y a bien quelque chose de différent en elle...
Et si elle... Non. Pas d'espoir, Dirinya. L'espoir te tue à petit feu, tu le sais bien. Tu es déjà presque morte... Alors arrête avec l'espoir, d'accord ?
Mais... Je ne peux pas m'empecher de me demander. Ce Et si entêté se fait, obstiné, sa petite place dans ma tête.
Elle ne se fie qu'à son ouïe ? Elle n'a pas pu me voir, c'est déjà ça. Ce n'est pas pour ça que ma voix a dû plus la mettre en confiance que mon apparence...
Mais je comprends maintenant son entetement à vouloir entendre une réponse de ma part. Je ferme les yeux, tentant de ne me fier qu'à mes autres sens. Mais les bruits de la forêt sont si forts... j'ai peine à distinguer la respiration de la jument, proche de moi pourtant. Je ne lui en veux... presque plus. A vrai dire, elle aussi me fait un peu pitié.
Deux épaves âbimées par la vie... peut-être pourrions nous nous entendre ? NON ! Arrête avec ça, on a dit. Arrête d'espérer !
Même si je n'ai de cesse de me répéter que je suis née pour une vie en solitaire, je ne peux m'empecher de la sentir peser sur mon esprit.
Je regarde l'état dans lequel je suis. Encore quelques mois à ce rythme et je sombre définitivement dans la folie... Mais peut-être est-ce mieux, après tout.
Elle m'annonce alors qu'elle va s'en aller. J'hesite sur l'attitude à adopter. Ne rien faire ? Remercier ? Lui demander de rester ?
Au plus profond de moi, j'ai envie d'une présence, même si ma raison essaye d'enfouir cette pulsion sous une bonne couche de ressentiment.

-Moi, c'est Dirinya.

Ma voix est plus calme, plus maîtrisée. Je rouvre les yeux, et cherche une flaque d'eau à proximité. Je m'en veux, bien sûr.
M'enfin. Une personne de plus, de moins...

Spoiler:

J'ignore la jument; m'avance nonchalement quoi que d'un pas mal assuré vers la flaque d'haut et commence à boire à longs traits. LE liquide de la vie me brûle en passant dans ma gorge sèche, mais je me sens tout de suite beaucoup mieux. Non pas que ça me fasse quoi que ce soit d'aller mal.
Je dois vraiment avoir l'air d'une épave, en ce moement, une âme égarée qui a un peu oublié qu'il fallait vivre et comment faire.
Je me demande si l'instinc de survie a vraiment une utilité, s'il suffit d'un peu de désespoir pour le faire tomber en miettes...
Après avoir suffisament bu, je relève la tête, m'ébroue, puis observe l'étrangère.
Une jument alezan brûlé, un peu plus petite que moi. Rien de bien extraordianaire. Même ses yeux sont semblables à ceux de tout autre équidé. Je m'attendais à quoi, après tout ? A des orbites béantes ?
Je repoussais au loin cette curiosité malsaine qui me poussait à la dévisager et conssentis enfin à préter une attention quelquonque à ses paroles. Est-ce que je m'en fichais complètement, au fond ? Je ne sais pas. Sûrement pas. Sinon je ne l'aurais pas rappelée...
Sa première question me laisse perplexe. J'en sais strictement rien. D'ailleurs, je le lui dis.

-Je sais pas. Je sais vraiment pas...

Puis un flot continu de paroles se déversent d'elle, s'entrechocant dans mon esprit. Ce n'est pas très clair, mais je comprends l'idée principale. Cela fait longtemps qu'elle ne s'est pas confiée à qui que ce soit, et elle n'en peut plus de garder ses peines, son désespoir pour elle.
Je ne suis pas très forte avec les gens, mais ça paraît assez clair. Ou alors j'ai tout faux.
Les autres la rejettent... étrange, de trouver quelqu'un dans mon cas. Je me rends compte que j'ai tendance à me considerer comme le centre du monde. De mon monde, sûrement, mais pas de cleui-ci. Je ne suis pas la seule dans mon cas. Pas la seule à être rejetée, exclue, traîtée comme une paria ou un extraterrestre.

-Oh, si, au contraire. Continues. Racontes-moi.

C'est si vide de sens quand ça parvient à mes oreilles. C'est moi qui ai dit ça ? Je ne suis même pas sûre de supporter l'entendre m'envoyer la réalité en pleine face.
Pourquoi ai-je dis ça ? Je veux vraiment qu'elle continue ?
Oui, sans doute.
Mais pourquoi ?
Alors la, aucune idée.